Dans un contexte économique favorable, lorsque les chiffres sont au beau fixe et que la performance semble être au rendez-vous, il est facile pour certains CEO de se laisser emporter par l’euphorie du succès. Ils se sentent invincibles, inarrêtables, et commencent à se percevoir non seulement comme des gestionnaires, mais aussi comme des visionnaires, des coachs et des experts en tout. Ce phénomène du « Super CEO » est loin d’être nouveau. Mais si l’histoire nous a appris quelque chose, c’est que ces moments de gloire peuvent dissimuler des failles profondes qui ne se révèlent qu’en période de turbulence.
1. Le Mythe du Super CEO
Quand les résultats sont au top, il n’est pas rare de voir des dirigeants attribuer à eux-mêmes l’intégralité du mérite. Ils deviennent omniprésents, prennent toutes les décisions, et se transforment en gourous du management. Cette illusion de toute-puissance peut se révéler dangereuse, tant pour l’entreprise que pour l’équipe dirigeante.
Un point clé est souvent négligé : « Comment savez-vous que vos bons résultats sont obtenus grâce à l’efficacité de votre équipe dirigeante ou malgré l’absence de celle-ci ? » Cette question, souvent posée aux CEO qui surfent sur une vague de succès, reste souvent sans réponse claire. Et pour cause : ces dirigeants oublient parfois que le marché, et non uniquement leurs actions, peut être l’un des moteurs de cette réussite apparente. La croissance économique, une demande soutenue, ou des conditions favorables à l’échelle mondiale peuvent fausser la perception réelle de la performance du dirigeant et de son équipe.
1.1 Un Succès Trompeur
Il est essentiel de comprendre que le succès dans une période de prospérité ne doit pas nécessairement être attribué à la seule personne du CEO. Souvent, les entreprises bénéficient d’un marché en pleine croissance, de tendances sectorielles positives ou d’une demande exceptionnelle. Les CEO qui n’ont pas la sagesse de reconnaître ces facteurs extérieurs peuvent être les premiers à échouer quand le vent tourne.
Au cours des 25 dernières années, j’ai rencontré plusieurs de ces « Super CEO ». Ils obtenaient des résultats spectaculaires et se pensaient invincibles, mais 90 % d’entre eux se sont retrouvés démunis lorsque le marché a subi un retournement majeur quelques années plus tard. Pourquoi ? Parce qu’ils n’avaient pas anticipé l’évolution des besoins clients, l’apparition de nouveaux concurrents ou l’émergence de nouveaux produits et services.
La réalité est implacable : le marché évolue, et un leadership durable ne se mesure pas dans les moments de croissance, mais dans la capacité à faire face à l’adversité.
2. L’Illusion de la Toute-Puissance
Quand tout va bien, il est facile de tomber dans l’illusion que tout ce qui est entrepris est une réussite. Le Super CEO se transforme alors en un dirigeant omnipotent qui prend toutes les décisions, sans véritablement consulter ou valoriser son équipe dirigeante. Il endosse plusieurs casquettes à la fois : coach, formateur, stratège, visionnaire, et souvent même, opérationnel. Cette approche hypercentralisée est non seulement dangereuse pour l’entreprise, mais elle affaiblit également l’équipe dirigeante qui se sent mise de côté, ou encore pire, désengagée.
2.1 La Centralisation du Pouvoir
Un des traits distinctifs du Super CEO est la centralisation du pouvoir. Au lieu de s’appuyer sur les compétences et l’expertise de son équipe dirigeante, il préfère prendre toutes les décisions. Ce modèle de leadership peut fonctionner temporairement dans un contexte de marché favorable, mais il devient rapidement un handicap lorsque les temps changent.
Un exemple classique est celui des entreprises qui croissent rapidement grâce à une conjoncture favorable, mais qui s’effondrent dès que les conditions deviennent plus difficiles. Dans ces cas, le Super CEO, habitué à dominer toutes les décisions, se retrouve seul face à des problèmes complexes qu’il n’a pas anticipés ou pour lesquels il n’a pas préparé son équipe.
2.2 Les Conséquences pour l’Équipe Dirigeante
La montée en puissance du Super CEO crée également un climat délétère au sein de l’équipe dirigeante. Les cadres supérieurs, souvent talentueux et compétents, se voient privés de leur autonomie et de leur capacité à influencer les décisions. Ils perdent peu à peu leur motivation et leur engagement. Quand arrive la crise, cette équipe affaiblie est incapable de fournir le soutien nécessaire au CEO. Le dirigeant, habitué à décider seul, se retrouve alors isolé et incapable de gérer les défis qui se présentent.
3. La Vraie Valeur du CEO : Gérer les Périodes de Crise
« Le véritable test de la valeur d’un CEO n’est pas dans les moments de prospérité, mais dans sa capacité à naviguer dans les périodes de crise et de transformation. »
Il est facile de diriger lorsque le marché est porteur et que tout semble réussir. Mais lorsque le marché se retourne, que la demande diminue, ou que des concurrents perturbateurs émergent avec des produits et services innovants, c’est là que le véritable leadership se manifeste.
Un bon CEO doit être capable d’anticiper ces retournements, de voir au-delà des succès à court terme et de préparer son équipe pour affronter les défis à venir. Cela exige non seulement de la vision, mais aussi de l’humilité et une grande capacité à déléguer et surtout à construire avec son équipe dirigeante.
3.1 L’Importance de l’Anticipation
Les CEO qui anticipent les retournements de marché sont ceux qui survivent et prospèrent à long terme. Cela signifie non seulement être à l’écoute des tendances émergentes et des signaux faibles, mais aussi créer un environnement où l’équipe dirigeante est encouragée à partager des idées, à remettre en question les stratégies actuelles et à proposer des ajustements proactifs.
Les CEOs qui échouent dans cette démarche tombent souvent dans l’excès de confiance. Ils pensent que leurs décisions passées, qui ont mené au succès, les protègent automatiquement de l’échec futur. Pourtant, comme le montre l’histoire, ce sont souvent ces dirigeants qui sont les plus vulnérables lorsque le vent tourne.
3.2 Construire une Équipe Dirigeante Forte
Le rôle le plus important d’un CEO n’est pas de tout décider lui-même, mais de s’entourer d’une équipe dirigeante capable d’apporter une expertise et une perspective que lui seul ne peut avoir. Les CEOs qui réussissent à long terme sont ceux qui investissent dans le développement de leur équipe, qui délèguent intelligemment, et qui savent tirer parti des forces de chacun.
Une équipe dirigeante forte et autonome est le meilleur rempart contre les crises futures. Lorsque le marché se retourne, une telle équipe est capable d’analyser rapidement la situation, de proposer des solutions innovantes et de réagir efficacement. En revanche, une équipe affaiblie ou sous-utilisée ne pourra pas fournir ce soutien, laissant le CEO face à l’adversité, isolé.
4. Le Danger du Super CEO : Ce Que les Entreprises Doivent Apprendre
L’ère du Super CEO, où un dirigeant se pense inarrêtable et omnipotent, est dangereuse pour toute entreprise. Elle conduit à une sur-dépendance envers une seule personne, tout en affaiblissant les structures de décision et de gestion au sein de l’organisation.
4.1 Apprendre à Déléguer
Les entreprises doivent encourager leurs dirigeants à déléguer et à construire une équipe dirigeante solide. Déléguer n’est pas un signe de faiblesse, mais de sagesse. Un bon dirigeant est celui qui sait reconnaître ses limites et faire confiance aux autres pour compléter ses compétences.
4.2 Valoriser l’Équipe Dirigeante
Il est également crucial de valoriser l’équipe dirigeante en la plaçant au centre de la prise de décision. Une entreprise dirigée par un Super CEO est vulnérable, car elle repose sur une seule personne. En revanche, une entreprise qui valorise et autonomise son équipe dirigeante est beaucoup plus résiliente face aux crises et aux transformations du marché.
Conclusion : Le Leadership au Service de l’Équipe
Le Super CEO, avec son omniprésence et sa volonté de tout contrôler, peut sembler impressionnant en période de croissance. Mais cette approche comporte des risques énormes. Un bon leader ne se juge pas à ses succès dans un marché favorable, mais à sa capacité à construire et à diriger une équipe capable de naviguer dans l’incertitude et les périodes de crise.
Le véritable leadership se mesure à la capacité de déléguer, d’anticiper les crises et de s’appuyer sur une équipe dirigeante forte et engagée. Le succès durable d’une entreprise repose non pas sur une seule personne, mais sur une équipe capable de s’adapter, d’innover et de surmonter les défis ensemble.